Voilà une association qui menait des activités sans rapport avec ses prétentions.
Sous le couvert d’objectifs louables, les agents de l’Association burkinabè de lutte contre la désertification (ABLD) envoyaient des jeunes filles au Liban pour y être exploitées.
Ces révélations sont le fruit d’une longue enquête menée par le journal burkinabè L’Opinion alerté par le témoignage d’une rescapée qui a permis aux journalistes de l’hebdomadaire de remonter la filière.
Désireuse de s’expatrier pour mieux gagner sa vie ailleurs, Bemyakondo Yaméogo a été approchée par l’ABLD qui lui font miroiter l’Eldorado au Liban.
On lui assure qu’un bureau de placement va lui trouver un travail rémunéré à 150 dollars le mois et qu’elle pourra y travailler comme baby-sitter, femme de ménage ou vendeuse en magasins... On lui promet logement, nourriture sans grandes dépenses à faire…
Emballée, la jeune fille s’engage, mais arrivée au Pays du Cèdre, elle est confrontée à une autre réalité:
«Dès que nous sommes descendues de l’avion, nous avons été conduites par la Police dans une pièce d’à peine 10m2 dans laquelle plus de 100 femmes ont été entassées. Nous étions serrées les unes contre les autres comme des sardines. Tous nos papiers ont été retirés et nous avons été enfermées à double tour. Puis s’est engagé un curieux manège: de temps en temps, un policier venait chercher une d’entre nous. Celle qui sortait ne revenait plus. Vers 4heures du matin, ça été mon tour. Quand je suis sortie, j’ai compris que nous étions des «colis» qui attendaient leurs propriétaires (…). J’ai alors compris que j’allais vivre un enfer.»Sur place, elle est mise au service d’une «maîtresse» qui lui enjoint aussitôt de soumettre à toutes sortes de tâches erreintantes parfois avilissantes.
Et même lorsqu’elle tombe malade, celle-ci refuse de la libérer tant que la jeune fille n’aura pas rentabilisé les 4 millions de francs CFA (6.000 euros) que son employeuse a déboursé pour l’acheter.
Après avoir réussi à contacter un proche qui paye un dédommagement aux acheteurs, la femme est autorisée à partir.
Lors d’une enquête au long cours, les journalistes de l’Opinion vérifient les dires de Bemyakondo. Présentant une de leurs journalistes comme candidate au départ, ils entrent en contact avec les membres de l’association.
C’est alors qu’ils découvrent un réseau bien organisé, chapeauté par une Libanaise à Beyrouth et qui s'étend jusqu'en Côte d'Ivoire, où une rabatteuse opère également.
Pour s’assurer la confiance des jeunes femmes, l’association qui a déjà fait partir des dizaines de filles au Liban s’occupe de tout et donne tous les gages d’une apparente légalité.
Le dénouement est burlesque: alors que le journaliste s’apprête à confondre les imposteurs lors d’un rendez-vous, il se retrouve pris avec eux dans un coup de filet de la police burkinabè qui elle aussi enquêtait dans l’ombre.
Après explications, le journaliste d’investigation est relâché et même encouragé dans son travail. Il recevra même des informations complémentaires et d’autres éléments de preuves accablant les coupables de la part des forces de l’ordre.
Pour l’heure, deux membres du réseau ont été déférés à la Maison d’arrêt et de correction et de Ouagadougou. Les chefs du trafic qui échappent à leur juridiction courent encore.
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