L'attribution
du prix Nobel de la paix à la chef d'Etat libérienne en quête d'un deuxième mandat,
Ellen Johnson Sirleaf, alimente la polémique dans son pays, certains l'estimant
non mérité, d'autres le jugeant susceptible de fausser le jeu électoral à trois
jours de la présidentielle. "La
seule chose regrettable, c'est que le moment (d'attribuer le Nobel) peut faire
croire que quelqu'un veut tricher pour que Mme Sirleaf l'emporte" lors de la
présidentielle de mardi, organisée en même temps que des législatives et
sénatoriales, a estimé Emmanuel Williams, pasteur.
Ce
sentiment semble partagé par beaucoup de Libériens, dans un pays traumatisé par
deux guerres civiles qui, de 1989 à 2003, ont fait 250.000 morts, des centaines
de milliers de blessés, et détruit ses principales infrastructures et son
économie. Co-lauréate
du Nobel de la Paix avec sa compatriote Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakkol
Karman, Mme Sirleaf, 72 ans, a été élue présidente en 2005, deux ans après la
fin du conflit.
Elle
brigue un nouveau mandat face à 15 candidats, le principal étant Winston Tubman,
70 ans, du Congrès pour le changement démocratique (CDC) qui l'accuse de ne pas
avoir oeuvré pour une vraie réconciliation, de ne pas avoir tenu ses
promesses.
Après
ses "six ans de pouvoir, nos routes sont toujours aussi déplorables, nos
populations vivent toujours dans une pauvreté abjecte, nos infrastructures sont
toujours à terre, pas d'électricité (...). Et aujourd'hui, surprise: on apprend
que notre présidente a reçu un prix Nobel de la paix", a dit vendredi M. Tubman
lors d'un meeting du CDC devant plusieurs dizaines de milliers de personnes à
Monrovia. "Elle a apporté la guerre" et une fois au pouvoir, "elle n'a pas
apporté l'unité". Pour
George Weah, ex-vedette du football international et populaire co-listier de
Tubman, "Prix Nobel ou pas, le 11 octobre, elle va dégager".
Réagissant
à sa distinction vendredi devant des journalistes à Monrovia, Mme Sirleaf s'est
défendue de toute immixtion dans le travail du comité Nobel. "J'ignorais
le calendrier" de l'annonce du prix, "quelque part, j'ai été, aussi,
agréablement surprise", a-t-elle dit, indiquant qu'elle le considérait cependant
comme "un message aux Libériens" en faveur de la paix, "au moment où le Liberia
tient cet évènement majeur", les élections. A
ses opposants qui estiment son prix non mérité, elle a répondu: "J'accepterai
leurs propositions et avis. Tout ce qu'ils ont à faire maintenant est de
travailler avec moi afin qu'on atteigne la réconciliation que tout le monde
veut".
Aucun
rassemblement majeur n'est prévu mais à quelques heures de la clôture, dimanche,
de la campagne, Monrovia demeurait en proie à la fièvre électorale: des groupes
partisans parcouraient les rues, scandant des slogans ou dansant au son de
musiques diffusées par des haut-parleurs installés sur des camions
mobiles. Sur
des panneaux, affiches, banderoles à travers la ville, chaque camp y va de son
slogan, souvent imagé. "Le
singe a encore du travail, que le babouin attende un peu", clament des
pro-Sirleaf, le singe - animal rusé dans l'imaginaire populaire libérien -,
faisant référence à Mme Sirleaf, et le babouin à l'opposition. Ce à quoi des
pro-Tubman rétorquent: "Hé, le singe, descend! On va t'enterrer le 11
octobre".
Mardi,
près de 1,8 million de Libériens sont appelés aux urnes. Les forces de l'ONU
dans le pays sont en état d'alerte par crainte de violences.
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