12 juil. 2012

Manuscrits de Tombouctou: Prochaine Cible des Salafistes


Le patrimoine culturel de l’Afrique de l’ouest a subi un coup dur avec la destruction de tombeaux sacrés par les rebelles salafistes au Mali. Mais ce ne sont pas seulement les tombeaux qui sont en jeu dans la vieille ville de Tombouctou, comme l’écrit Michel Hoebink de la rédaction en langue arabe de Radio Nederland Wereldomroep.

La ville de Tombouctou, dans le nord du Mali, compte parmi son patrimoine des mausolées et des mosquées historiques mais aussi une énorme collection de manuscrits qui témoignent du riche passé culturel de la région. Tous ces vestiges sont actuellement menacés par les iconoclastes salafistes qui contrôlent depuis peu le nord du Mali.
Centre intellectuel
Pendant longtemps, les historiens européens ont prétendu que l’Afrique ne connaissait pas d’histoire intellectuelle écrite ou autre et que le flambeau de la civilisation n’était arrivé qu’avec la colonisation européenne au XIXe siècle. Or, s’il existe une ville africaine qui réfute cette idée, c’est bien Tombouctou.
Située dans la partie la plus septentrionale du méandre du Niger et aux portes du Sahara, Tombouctou a été depuis le XIIIe siècle un important carrefour où les Arabes du nord et plusieurs peuples africains faisaient du commerce, notamment de l’or et du sel. Les écrivains arabes, comme le célèbre explorateur marocain Ibn Batouta, étaient pleins d’admiration dans leurs descriptions de la ville.
Tombouctou est célèbre pour ses mosquées et ses mausolées historiques, où sont enterrés de saints soufi. Mais ce n’est que très récemment qu’on a pris conscience que la ville n’est pas seulement un important carrefour commercial mais également un important centre intellectuel. A la fin des années 90 du siècle précédent, une équipe internationale de chercheurs a découvert à Tombouctou un certain nombre de bibliothèques privées, où d’éminentes familles de la ville conservaient des dizaines de milliers de manuscrits datant du Moyen Age. Des manuscrits écrits en arabe et en langues africaines qui démontrent que dès le XIIIe siècle des savants d’Afrique de l’Ouest se sont intéressés de près aux sciences religieuses mais également à la logique, aux mathématiques, à l’astronomie, à la médecine et aux sciences naturelles.
Soufisme
L’islam d’Afrique de l’Ouest a toujours su se différencier par le soufisme, la forme mystique de l’islam qui préconise une interprétation métaphorique du Coran et qui attache une importance au développement spirituel de l’individu. Le soufisme ouest-africain connaît également le culte des marabouts, des personnes "éclairées" qui servent d’intermédiaires entre Dieu et l’individu et qui après leur mort également continuent d’être vénérés. Les groupes salafistes qui viennent de s’emparer du pouvoir dans le nord du Mali sont des adeptes d’une toute autre doctrine : le salafisme fondamentaliste de l’Arabie saoudite. Il s’agit d’une forme de l’islam qui n’a aucune racine historique en Afrique de l’Ouest et qui considère le soufisme et la vénération mystique des saints comme de pures hérésies.
L’hostilité de l’islam fondamentaliste importé d’Arabie saoudite envers le soufisme a mené à la destruction tragique d’un patrimoine culturel irremplaçable dans le nord du Mali. Les esclaves salafistes de la littéralité ont déjà détruit au moins trois mausolées historiques et annoncé qu’ils feront de même avec tous les autres. De même les bibliothèques de manuscrits et les mosquées historiques ne sont pas à l’abri de ces iconoclastes. Les manuscrits rapportent des fortunes au marché noir. Aujourd’hui, d’importants témoignages d’une riche tradition scientifique africaine risquent de disparaître à jamais. Un grief que l’on fera encore longtemps aux salafistes.

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