La crise économique a plombé l'enthousiasme des familles pour Noël. Au quartier Fass de Dakar, on se contente du strict minimum.
C'est au quartier Fass que la famille Diagne a élu domicile. Hier matin,
comme dans tous les quartiers populaires de Dakar, les ruelles sont
bouillonnantes de monde. L'activité atteint son paroxysme. Les femmes,
sorties tôt le matin pour aller au marché, sont déjà de retour. On voit
quelques groupes de jeunes sous l'ombre des arbres avec leur fidèle «
barada » -théière. Les enfants, quant à eux, jouent devant les maisons.
D'autres s'exposent aux rayons du soleil. Le froid qui prévaut sur la
capitale est passé par là. Au fond d'une ruelle qui fait face au poste
de santé du coin, se trouve la famille Diagne, au 1er étage. Un immeuble
qui contraste d'avec les habitations immédiates. Du haut de l'immeuble,
on perçoit tout aux alentours le véritable visage du quartier. Que des
baraques. La pauvreté ne se raconte pas ici. Elle se vit. De confession
musulmane, le moral des Diagne est en berne en cette fin d'année. La
faute « au manque d'argent », répond sans sourciller le jeune Badara. Il
ne songe pas aux cadeaux et autres présents pour les plus petits.
Se débrouiller au quotidien
En ce qui le concerne, il va passer Noël chez un cousin à Guédiawaye
avec ses amis. Dans sa bande de copains, « tu trouves des chrétiens et
des musulmans ». Juste à côté de chez lui, se trouve la famille Dasylva.
Thérèse y loge avec les siens. Elle vient à peine de terminer les
travaux ménagers et tient un verre. Elle s'apprête à prendre son petit
déjeuner. Au-dessus de sa tête, quelques décorations sont perceptibles
sur le plafond. A priori, la fête se prépare. Mais pour elle, ce n'est
pas encore le cas. De ce qui est utilisé, il n'y a rien de neuf. « Le
matériel est celui de l'année dernière », révèle Thérèse Dasylva. Ce
système de la débrouillardise est lié à « l'environnement financier
difficile qui est commun à la majorité des familles sénégalaises »,
selon Mme Dasylva. Une situation qui fait qu'« on ne peut pas acheter de
cadeau pour les enfants », d'après elle. Elle pense plutôt aux
vêtements que les enfants doivent porter pour les besoins de la messe. «
On va gérer le reste», confie-t-elle. Une façon de dire qu'elle va se
débrouiller pour régler le minimum pour passer de « bons moments avec la
famille ».La vingtaine environ, sa nièce Odette Mendy dit être «
spirituellement en fête depuis le 1er décembre ». Vêtue d'une «
taille-basse », une perruque sur la tête, son programme de fête
s'articule autour de « la messe, des salutations aux voisins et amis ».
Pour ce qui est de la soirée, « la boîte de nuit ne fait pas partie de
son agenda ». La raréfaction de l'argent est passée par là.
Des élus sollicités pour la fête
Du côté des Hlm Fass, la famille mixte des Faye et Tamba présente une
particularité bien sénégalaise. Ici, nous sommes sous un toit
islamo-chrétien. Maïmouna Faye est musulmane. Son père établit en France
est originaire du Saloum. Sa mère, elle, est originaire de Casamance.
En temps normal, elle est aux Hlm Grand-Yoff dans la maison paternelle.
Mais, elle fréquente beaucoup la famille maternelle. Comme le reste de
la famille chrétienne, elle s'est mise dans la disposition de Noël. Son
fils dans les bras, l'étudiante en banque-assurances dans un institut de
la place ne se fait pas de souci pour les cadeaux de son petit. « Son
papa va s'en occuper », indique-t-elle. Dans la famille, « les fêtes
musulmanes et chrétiennes sont toutes célébrées », d'après Maïmouna.
Seulement, la situation morose de cette année les contraint à assurer le
« service minimum ». « Tu vois qu'il n'y a rien de spécial dans la
maison », dit-elle, en tendant la main vers tous les coins de la
véranda. Pourtant, elle aurait voulu que les choses se passent
autrement. Par exemple, « que la maison soit décorée avant la fête». Et
pour fraterniser avec les autres, « nous aurions voulu inviter les
voisins à se joindre à nous ».
Si les fêtes riment avec « bien manger, s'habiller élégamment et
chausser de belles chaussures », ce n'est pas encore assuré, dit
Maïmouna. Pour sa tante Diminga Tamba, le problème est ailleurs. Elle
est en colère contre les Collectivités locales qui n'ont accordé aucun
appui aux familles pour les besoins des fêtes. Elle préconise « que les
Mairies trouvent un système pour permettre aux familles nécessiteuses de
fêter comme toutes les autres ». Elle trouve « déplorable que les élus
locaux n'aient pas mis en place un fonds pour venir en aide aux
populations ». Surtout qu'il s'agit « d'un évènement aussi important que
Noël ». Une opinion que partagent beaucoup de Fassois. Pour El Hadj
Ndiaye, Diminga Tamba a d'autant plus raison que « Fass est un quartier
défavorisé ». En tout cas, les habitants disent attendre du maire un
geste pour les années prochaines.
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