25 juin 2012

Les Films d'Action Burquinabé Connaissent un Grand Succès dans le Pays


On assiste à l’émergence au Burkina Faso d’un nouveau genre, le cinéma d’action. Inauguré par Boubakar Diallo avec Traque à Ouaga (2004), il se pose comme une alternative à la léthargie du cinéma d’auteur d’autant plus qu’il est très populaire. Docteur Folie (2010) et Faso Furie (2012) réalisés par le Camerounais Michael Kamuanga et produit par Pub Néré Distribution de Rodrigue Kaboré s’inscrivent dans ce créneau très porteur. 


Anatomie d’un succès. 

Docteur Folie met en scène un détective assez spécial. Doté de pouvoirs surnaturels, c’est un justicier au service des femmes trompées. De Douala à Ouagadougou, il prend les maris infidèles et les gigolos sur le fait dans les hôtels huppés ou dans des villas de rêve. Ce détective punit les époux infidèles et redonne leur dignité aux épouses flouées. Ce justicier est joué par le musicien ivoirien, Meiway. Quant à Faso Furie, c’est l’histoire d’un vol de diamants dont l’éclat se révèle dangereux pour ceux qui s’en approchent de trop près. Le ministère de la Défense, craignant que ces pierres précieuses tombent entre les mains de l’organisation criminelle Faso Furie, met deux hommes que tout oppose sur l’enquête. Le lieutenant Traoré, un flic à la gâchette facile, et le repenti Kouamé ou le matricule 07 qui croupissait en taule. Un attelage détonnant qui va mettre la cité sens dessus dessous pour récupérer les pierres précieuses et détruire l’organisation criminelle.

Docteur Folie, Faso Furie. Deux films qui reprennent les recettes du cinéma Hollywoodien pour reconquérir les écrans africains, rompant ainsi avec le cinéma d’auteur africain qui se veut souvent le regard d’un artiste sur sa société. Ici, le primat est à la rentabilité et le succès public est le premier objectif. D’où l’emploi de recettes. Des personnages à la gâchette facile, dégainant et faisant feu à chaque scène. Des courses-poursuites de grosses cylindrées dans les larges rues asphaltées avec des hommes accrochés au pare-chocs et se tirant dessus. De l’adrénaline pour faire battre le cœur plus vite. Et pour chatouiller le dessous de la ceinture du public, quelques plages pour le repos du guerrier : du nu et du sexe. La caméra se fait voyeuse : gros plans sur un fessier, travelling sur une chute de rein vertigineuse, panorama sur le vallonnement d’une généreuse poitrine, topographie très fouillée des corps.

A ce racolage, s’ajoute un casting alléchant qui privilégie les têtes d’affiches. En effet, le souci premier n’est pas la qualité de jeu des acteurs mais leur notoriété. Leur nom doit être une accroche suffisante pour drainer le public vers les salles de cinéma. Dans Docteur Folie, c’est Meiway, célèbre crooner ivoirien qui sert d’appât. Sa prestation de comédien n’est pas décevante, cependant. Dans Faso Furie, ce sont des personnalités qui ont acquis leur notoriété soit dans les séries télé soit dans la musique. Ainsi il y a Gohou, le comédien ivoirien rendu célèbre par la série ivoirienne Ma Famille dans l’espace francophone, Eugène Bayala (Oyou) et Josiane Ouédraogo (Poupette) révélés par le Commissariat de Tampy de Missa Hébié. En guest-star, Floby le très populaire chanteur burkinabè qui a composé la musique du film, et y fait une brève apparition. Enfin, le comique est toujours présent dans ces films-là à travers les dialogues truffés d’insultes et les situations.

Il y a, en outre, un plan média autour du film. Il s’agit de créer l’attente avant la sortie et, surtout l’emballement autour. On lance un film comme on met une lessive sur le marché. Avant la sortie, diffusion itérative de la bande annonce composée de morceaux de bravoure sur les différentes chaînes télé du pays, hyper-présence des protagonistes du film dans les médias à travers des interviews et des passages sur les plateaux télé. Suit une campagne d’affichage très agressive. Pour la promotion de Faso Furie, par exemple, 350 affiches ont été conçues et placées dans les espaces les plus passants. Ces affiches variées utilisent les mêmes codes que les affiches de blockbusters américains. On y reconnaît l’iconographie des superproductions hollywoodiennes avec de belles filles, des armes à feu, les comédiens principaux dans des poses qui évoquent les grandes stars hollywoodiennes du genre.

En somme, ces films utilisent le pastiche, la citation et le recyclage. C’est un cinéma développant une esthétique du bricolage, au sens où l’entendait Claude Levis Strauss, c’est-à-dire une appropriation de l’esthétique du cinéma d’action à la dimension des moyens disponibles.

Des films bien accueillis par les cinéphiles

Même si la modicité des budgets ne permet pas l’utilisation des effets spéciaux des films américains, les possibilités du numérique et les retouches de l’image par ordinateur permettent quelques trucages perceptibles par le public. Malgré ces approximations techniques, le public adore ces films.

Docteur Folie, sorti en 2010, a enregistré plus de 30 000 entrées sur le territoire national. Faso Furie, sorti le 12 mars 2012, a déjà 27 000 entrées après seulement un trimestre d’exploitation. Ce qui traduit l’engouement du public pour ce genre de cinéma. D’abord la modicité du budget de production rend ce cinéma possible malgré la raréfaction des subventions du Nord. Docteur Folie a coûté 57 millions, Faso Furie, simplement 60 millions. Les réalisateurs de ces films peuvent faire des films plus facilement, car ils ne sont pas dépendants des aides du Nord.

Contrairement aux figures les plus emblématiques du cinéma d’auteur tels Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré et Dani Kouyaté du Burkina, Souleymane Cissé, Cheick Omar Sissoko et Abderrahmane Cissako du Mali qui ne tournent presque plus. «Quand la mare tarit, le berger doit creuser un puits s’il veut abreuver son bétail », dit le proverbe. Ces films réussissent à étancher la soif d’images du public africain parce que la modestie du coût de production permet de sortir des films à la chaîne, ce qui a l’avantage de fournir les salles en films africains, de fidéliser le public et d’offrir du travail à tous les métiers de la chaîne de production. Par exemple, Faso Furie a employé plus d’une centaine de comédiens. Et ce cinéma n’utilisant que des techniciens africains, on peut dire que c’est avec ces films que naît un cinéma conçu entièrement par des Africains et visant un public local.

Toutefois, certains cinéphiles sont très critiques envers ces films d’action auxquels ils reprochent de proposer de mauvais modèles au jeune public en leur servant à profusion du sang, du sexe et d’être une pâle copie du cinéma US. Du reste, les critiques africains de cinéma reprochent à ces objets filmiques non identifiés la faiblesse dans la direction d’acteurs et l’absence d’une démarche vraiment «cinématographique». Pourtant, tous les genres ont droit de cité pour offrir une large palette de choix au public, car disait Amadou Hampathé Ba, «la beauté d’un tapis vient de la variété de ses couleurs». Les films d’action ont le mérite de faire vivre et travailler tous les professionnels de la chaîne de fabrication du film. Et la qualité dont l’absence est tant décriée deviendra un souci des réalisateurs avec le développement du genre car elle sera ce qui départagera la flopée de films. Seuls les films bien faits attireront un public devenu plus exigent.

C’est l’émergence de ce genre qui fait que l’on ne parle pas du cinéma burkinabè au passé. Sachons donc leur reconnaître ce mérite. Et espérons que le développement de ces productions puisse jeter les bases d’une industrie cinématographique nationale, Fasowood, une nouvelle fabrique de rêves, qui inondera les écrans d’Afrique et du reste du monde de superproductions de qualité made in Faso.

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